Il y a quelques semaines, je me baladais et je suis tombée sur une cabine de livres. Je fouille et je trouve Le Parc Jurassique. Fort fière de ma trouvaille qui sentait bon les années 90 (1992 pour être précise, un an avant la sortie du premier film), je suis partie en gambadant espérant trouver le temps d'attaquer la lecture rapidement.
Et là, ça m'a frappé.
Je n'avais jamais vu les film Jurassic Park.
Pourquoi? Eh bien parce que chez moi les gros dinos ça faisait rêver personne et que tout le monde avait déjà vu le premier opus. En grandissant, je n'avais jamais pris le temps de me plonger dedans.
Joie, bonne humeur et abonnement Netflix, je me lance dans le visionnage des trois premiers films ET la lecture du livre.
Lorsqu'on s'attaque à une adaptation, il faut bien se rappeler qu'un film ou une série ne peut pas être un livre et inversement. Je pense que c'est quelque chose d'acquis désormais, car tous les vidéastes traitant de ciné et d'adaptation ont suffisamment insisté sur ce point.
Avec Jurassic Park, il est important de comprendre que le premier film ne suit pas totalement le livre et que les deux films suivant empruntent des éléments au livre, comme si.. comme si le concept avait été étiré pour faire de l'argent.
Car soyons honnêtes, Jurassic Park n'avait pas besoin de suite. (NON, je ne parlerai même pas des Jurassic World). L'adaptation avait rendu le film beaucoup plus feel good que le livre (qui est bien plus sombre) et ça aurait pu s'arrêter là.
SAUF QUE. Le capitalisme.
Le premier film ayant été un succès et n'ayant pas exploité toutes les ressources du livre, il y avait de quoi faire une ou des suites.
En effet, la scène d'ouverture du deuxième film avec la petite fille qui se retrouve face à des dinosaures sur une plage du continent est en fait la scène d'ouverture du livre. Dès le début de ce dernier, on sait que des dinosaures se sont échappés de l'île. D'ailleurs, dans le livre, nos charmants compy sont même assez aventureux pour aller grignoter des bébés dans des hôpitaux. Dès le départ, les dinosaures sont très dangereux. Et vous aviez peur de 3 vélociraptors? ESSAYEZ TRENTE-SEPT. L'enjeu du livre est donc différent de celui du film
Car dans le 1, les dinosaures sont effectivement confinés à Isla Nublar. Quand notre petite bande de petits potes quitte l'île, c'est fini. En plus, on nous a précisé cent fois que les dinos ne peuvent s'échapper (mais bon, ils n'étaient pas censés se reproduire non plus..). Pour faire une suite, Spielberg a dû inventer une deuxième île, créant ainsi une suite d'incohérences qui, personnellement, m'a fait grincer des dents comme pas permis. Quelles incohérences? Déjà notre cher mathématicien Ian Malcolm a juste changé de personnalité et oublié son métier entre les deux premiers films. Au point où il ne sait plus faire marcher une simple radio. Cocasse quand dans le premier film c'est Grant qui galère avec la technologie. Mais ça encore, c'est pas grave. Le concept même de la deuxième île n'a aucun sens puisque dans le premier film, Hammond précise qu'il assiste à chaque naissance de dinosaure. Alors quoi? Il fait des allers-retours entre Isla Nublar et Isla Sorna? Et s'il était en mesure de faire des dinos encore plus forts que le T-rex, pourquoi avoir construit son parc autour de ce dernier? Et d'ailleurs, le spinosaure, il était où dans le deuxième film?
Mais c'est pas ça qui m'intéresse ici, comme le nom de l'article l'indique. Ce qui m'intéresse, c'est le sexisme dans ces trois films
Dans le premier film, on a un personnage féminin assez fort: Ellie Sattler. Ellie est indépendante et quand on lui fait remarquer qu'elle entreprend des actions dangereuses, ce qu'elle ne devrait pas faire du fait de sa condition de femme, elle rétorque qu'elle est la plus à même de le faire et qu'ils discuteront tous de sexisme une fois qu'ils seront sortis vivants de l'île. Elle a un métier de paléobotaniste, ses capacités sont reconnues, elle identifie même sans difficulté les causes de la maladie des tyrannosaures. Bref, Ellie, elle est badass. Pas aussi badass que dans le livre mais elle claque.
Pourquoi, est ce que je ne saurais m'en contenter? Parce qu'Ellie est devenu un intérêt amoureux. Outre ses capacités, le fait qu'elle participe à sauver toute l'équipe, Ellie c'est aussi et surtout l'intérêt amoureux de Grant, qui est quand même désigné comme le héros principal. Et ça, c'est propre au film. Dans le livre, quand les enfants questionnent Grant sur sa relation avec Ellie, tout soupçon d'histoire amoureuse s'envole car il précise immédiatement qu'elle est fiancée. Ellie est un personnage à part entière, ne dépendant de personne. Ellie boit à la bouteille, compte le nombre de jours passés sur ses sites de fouilles en caisse de bières, elle court dans la jungle, elle répare des trucs, bref Ellie Sattler n'a pas d'attache à un homme contrairement au film.
Mais vous savez quoi, on est en 1993, décennie du sexisme décomplexé, c'est pas le pire.
Le pire nous vient des films suivants.
Jurassic Park 2 nous présente la fille de Ian Malcolm, Kelly Curtis, ainsi que la fiancée du mathématicien: Sarah Harding, scientifique étudiant le comportement des animaux. Dès le début, les deux femmes sont donc liées à cet homme (bon je vous le concède, sinon il n'y aurait pas d'histoire étant donné que Ian va sur l'île car Sarah y est déjà et que Kelly embarque dans l'aventure sans que son père soit au courant. Dans le multivers qu'est Jurassic Park le livre et le film, Sarah est la fille d'un scientifique présent uniquement dans le livre: Gerry Harding.
Sarah est une tête brûlée, ce qui la rend difficile à apprécier. Son personnage enchaîne aussi les contradictions dans son attitude. Elle annonce clairement que leur passage ne doit avoir aucun impact sur l'île mais se retrouve 20 minutes plus tard à faire un plâtre avec un chewing gum à un bébé Tyrannosaure.
De plus, les actions un peu badass de Sarah et Kelly sont des dérivées des actions d'Ellie dans le livre. Kelly qui nous fait un coup de barres asymétriques pour échapper à des vélociraptors? Ellie dans le livre.
Le film entier respire un peu plus la testostérone que le précédent. Dès le début, on a droit à une scène de course poursuite entre des dinosaures et des gros quads et motos. En en parlant avec des amis, on m'a objecté que cela pouvait être vu comme une moquerie et une critique de l'armée et de la masculinité. Mais en visionnant film, j'ai plus vu une sorte de gros délire BOUM BOUM DINO VOITURE BAGARRE. Le film devient lourd rapidement. Et d'ailleurs, les critiques l'ont beaucoup plus descendu que le premier film (qui est génial, y'a pas à tortiller)
C'est le troisième film qui nous met vraiment dans la sauce sexiste.
Le personnage d'Amanda Kirby est insupportable et est ramené à sa condition de femme tout le temps.
Elle hurle dans chaque scène SAUF quand elle doit rendre les oeufs de vélociraptors. Comme s'il y avait une sorte de connivence entre la femme et la femelle vélociraptor. D'ailleurs, l'unique fonction d'Amanda est d'être la mère de [insérer nom du gamin numérique puisque apparemment amener des enfants sur des îles pleines de dinos c'est perpétuellement ok], et l'ex femme de Paul. D'ailleurs, tout au long du film, les deux ex-époux vont se rerapprocher.
Toutes les femmes majeures des trois films sont des intérêts amoureux pour les hommes qui sont des personnages principaux. Aucune n'a le droit de vivre SA vie. C'est presque d'ailleurs avec étonnement qu'on apprend au début du deuxième film qu'Ellie et Grant n'ont pas fait leurs vies ensemble tant leur relation est forcée.
Si le premier livre reprend quasi entièrement les capacités du personnage littéraire d'Ellie, les autres personnages ont été inventés ou étirés pour les films et ça se sent. Ce sont des fonctions. Uniquement des fonctions qui ont des actions de stéréotypes. Elles crient, elles pleurent mais de temps en temps font un truc pour sauver tout le monde.
Même dans l'adaptation de Lex, il y a quelque chose de sexiste. Dans le livre, les âges des deux enfants sont plus ou moins inversés, c'est Lex la plus petite. Et bien qu'elle soit relativement énervante, c'est une gamine passionnée par le baseball. Dans le film, le personnage de Lex est assignée aux activités "calmes", on la décrit comme une grande lectrice qui ne sort pas beaucoup de sa chambre, qui ne veut rien essayer de nouveau et végétarienne. Ne nous méprenons pas, je suis moi-même végétarienne. Mais en langage des années 90, végétarienne, ça veut dire relou.
Pourquoi j'écris cet article? Parce que Jurassic Park ça a quand même beaucoup construit l'imaginaire des gens nés entre 1990 et 2000 et que la dégradation des personnages féminins a quelque chose de symptomatique de cette époque. Dans Jurassic Park, elle est flagrante. On passe d'un personnage féminin fort à mère-épouse hurlante.
Et c'est aussi symptomatique du cinéma de Spielberg. Je pense que personne ne peut dire ne pas aimer Spielberg. Il y en a pour tous les goûts.
- film d'horreur? Les dents de la mer
- film enfantin mais profond feel good? E.T
- BDSM dans des ruines? Indiana Jones.
Mais le traitement des personnages féminins laisse constamment à désirer. Aucun de ses films n'a de personnage principal féminin mis à part La couleur Pourpre.
Je ne tape pas sur Spielberg, loin de là, je tape sur les décennies que son cinéma survole et dans lequel il se nourrit. Des décennies sexistes au cours desquelles la femme a été mise au second plan.
Bref tout ça pour dire que Jurassic Park 1 c'est super, la suite, c'est moyen.
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